La contestation d’un commandement de payer visant la clause résolutoire
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En cas d’impayés de loyers commerciaux, le bailleur commercial fait délivrer à son locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire, usuellement comprise dans le bail.

En réponse, le locataire dispose de plusieurs moyens de contestation :

En premier lieu, il semble utile de rappeler que le bailleur doit faire attention à bien viser le bon destinataire dans le commandement de payer.

Il n’est pas rare que le locataire ait fait par exemple l’objet d’une restructuration (transmission universelle de patrimoine, fusion, cession de fonds de commerce par exemple ou encore apport en nature au profit d’une autre société).

Dans cette hypothèse, il est fréquent que le bailleur se trompe de destinataire et se voit reprocher son erreur par son locataire ayant fait l'objet d'une restructuration.

En second lieu, il est possible d’invoquer au soutien des intérêts du locataire, la mauvaise foi du bailleur.

En effet, il a déjà été jugé que le juge doit rechercher si une clause résolutoire a été mise en œuvre de bonne foi par le bailleur (troisième chambre civile de la Cour de cassation, 1er février 2018, numéro 16 – 28684).

Dans le cas où le bailleur fait preuve de mauvaise foi, la Cour de cassation a déjà estimé que le commandement de payer ne pouvait produire aucun effet (troisième chambre civile de la Cour de cassation, 7 juillet 1993, numéro 91 – 16208).

Le locataire qui souhaite obtenir l’annulation des effets d’un commandement de payer peut donc par exemple indiquer que son bailleur est de mauvaise foi puisqu’il a toujours réglé ses loyers jusqu’à ce jour…

La crise sanitaire actuelle permet de surcroît de justifier de circonstances exceptionnelles pour expliquer une suspension dans le paiement des loyers commerciaux.

En troisième lieu et à ce sujet, l’article 1218 du Code civil prévoit : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1»

Le locataire peut donc invoquer des circonstances de force majeure lorsqu’il réussit à démontrer, par exemple suite à la crise sanitaire COVID, qu’il y a un événement extérieur à sa volonté, imprévisible, et irrésistible.

Il a par ailleurs déjà été jugé par la Cour de cassation que les fermetures administratives sont considérées comme des circonstances insurmontables et imprévisibles, qui peuvent justifier la qualification de force majeure (9 juillet 2013, numéro 12 – 17 – 012).

En quatrième, il est possible d’invoquer la bonne foi du locataire qui ne peut pas payer ce loyer.

En effet, les articles 1219 et 1220 du Code civil indiquent respectivement :
« Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »

« Une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. »

En cas de crise sanitaire comme ce fut le cas dernièrement, le locataire peut donc invoquer que le bailleur n’a pas pu fournir la jouissance paisible des lieux loués, pour invoquer sa bonne foi.

En cinquième et dernier lieu, il est possible de solliciter des délais de paiement au visa de l’article L145-41 alinéa 2 du Code de commerce, lequel indique : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »

En présence d'un premier incident de paiement, il est fréquent que le tribunal octroie un délai de paiement au locataire pour éviter une résiliation du bail commercial.


Maxence PERRIN
Avocat à DIJON en Droit commercial

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