L'effet attributif immédiat d'une saisie attribution réalisée juste avant le jugement d'ouverture de procédure collective du débiteur

-

Le créancier qui doit réaliser une saisie à l'encontre d'un débiteur rencontrant des difficultés économiques, doit se dépêcher de mandater un huissier, s'il dispose d'un titre exécutoire, pour éviter que le débiteur ne demande l'ouverture d'une procédure collective.

En effet, si le débiteur sollicite l'ouverture d'une procédure collective, le créancier devra alors déclarer sa créance entre les mains du mandataire désigné, et ne pourra donc obtenir un règlement rapide de sa créance.

​​​​​​​Néanmoins, si une saisie attribution intervient avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective, l'effet attributif de la saisie devient immédiat et le créancier ne pourra pas le remettre en cause.

L’article L523-2 du Code des procédures civiles d’exécution indique :


« Si la saisie conservatoire porte sur une créance, le créancier, muni d'un titre exécutoire, peut en demander le paiement. Cette demande emporte attribution immédiate de la créance saisie jusqu'à concurrence du montant de la condamnation et des sommes dont le tiers saisi s'est reconnu ou a été déclaré débiteur. »

L’article L622-21 du Code de commerce indique :

« I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus. »

La jurisprudence précise très clairement :
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 27 juin 2017, n° 15/18695 :

« en application de l’article L 523-2 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier muni d’un titre exécutoire peut demander la conversion de la saisie conservatoire en saisie exécution, cette demande emportant attribution immédiate de la créance saisie jusqu’à concurrence du montant de la condamnation et des sommes dont le tiers saisi s’est reconnu ou a été reconnue débiteur

(…)

il est en effet acquis que, dès lors que la conversion en saisie attribution a été effectuée avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, la nullité encourue par la saisie conservatoire en application de l’article L 632-1 I 7° du code de commerce n’entraîne pas, en vertu de l’attribution immédiate au saisi, la nullité de la saisie attribution »


Tribunal de grande instance de Paris, Service du juge de l'exécution, cabinet 2, 15 décembre 2015, n° 15/83295 :

« Il résulte par ailleurs de la combinaison de l’article L.622-21 précité et des articles R.523-7 à R.523-9 du code des procédures civiles d’exécution qu’une saisie conservatoire signifiée au tiers saisi avant la date de cessation des paiements et convertie en saisie attribution avant le jugement d’ouverture, emporte affectation et privilège au profit du créancier saisissant. »

« Il est dès lors incontestable que l’acte de conversion, emportant effet attributif au profit du créancier saisissant, est intervenu antérieurement à l’ouverture de la procédure collective (prononcée le 9 décembre 2015) et au jugement prononçant la liquidation judiciaire ( le 7 janvier 2016)

Il s’en déduit légitimement que ces dernières décisions sont sans incidence sur la mesure querellée. »


Cour de cassation, Chambre commerciale, 2 mars 2010, 08-19.898, Publié au bulletin :

« la société Loiret affinage, (…) après y avoir été autorisée (…), a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la société Fortis banque (la banque) le 15 septembre 2006 ; que le 16 février 2007, elle a signifié à la banque l’acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution ; qu’elle a signifié cet acte à la société, le 20 février 2007 ; que cette société ayant été mise en redressement judiciaire le 20 février 2007 »

« Mais attendu qu’ayant constaté que la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2006 avait été régulièrement convertie en saisie attribution le 16 février 2007, soit avant l’ouverture du redressement judiciaire de la société, ce dont il résultait que cette dernière n’était plus recevable à contester la saisie conservatoire ».


Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 7 mai 2018, n° 17/01682 :

« pratiquée et dénoncée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective et en raison de son effet attributif immédiat, la saisie-attribution litigieuse ne se trouve nullement affectée par les effets du jugement du tribunal de grande instance ».


Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15e chambre a, 6 juillet 2017, n° 16/04400 :

« 1. C’est à bon droit que le premier juge a retenu que la saisie-attribution pratiquée sur le fondement d’un titre exécutoire , même provisoire et dépourvu d’ autorité de chose jugée ,dont l’exécution provisoire n’a pas été suspendue à hauteur d’appel, antérieurement au jugement d’ouverture d’une procédure collective, a produit ses effets attributifs ».


Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 juin 2011, n° 10/05115 :

« la société COLAS RHONE ALPES a été autorisée judiciairement à pratiquer une saisie conservatoire réalisée le 21 décembre 1999 »

« le 11  décembre 2009, un acte  de conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution a été signifié au tiers (…), à la société Z (…) et au liquidateur judiciaire »

« En application des articles 76 de la loi du 9 juillet 1991 et 240 du décret du 31 juillet 1992, la demande en paiement contenue dans l’acte de conversion qui doit être signifié au tiers saisi emporte attribution immédiate au créancier saisissant des sommes saisies conservatoirement.

Dès lors, la société COLAS RHONE ALPES, qui a signifié l’acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie exécution par la signification au tiers saisi du 23 décembre 2009 avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société PLEG LYON intervenue par jugement du 29 décembre 2009, peut se prévaloir d’un droit acquis avant le jugement d’ouverture ».

Maxence PERRIN
Avocat à DIJON en Droit des entreprises en difficulté

Commentaires

Rédigez votre commentaire :

<% errorMessage %>
<% commentsCtrl.successMessage %>
<% commentsCtrl.errorMessage %>

Les réactions des internautes

a réagi le

<% comment.content %>

  • a réagi le

    <% subcomment.content %>

Répondre à ce fil de discussion
<% errorMessage %>
Aucun commentaire n'a été déposé, soyez le premier à commenter !